Le sein : injections de graisse et implant mammaire en Polyuréthane par le Docteur Jean-Christophe Bichet, Chirurgien Plasticien (France).
Les injections graisseuses sont des techniques qui existent depuis une quinzaine d’années sous des termes différents de lipomodelage, lipostructure® ou lipofilling.
Les greffons graisseux sont utilisés pour des techniques de comblement du visage, des membres, des fesses, et pour le rajeunissement des mains. Cette technique est prometteuse dans ces indications et certains médecins travaillent déjà sur les cellules souches.
Le développement des injections graisseuses dans les membres a montré une innocuité parfaite avec des améliorations des tissus superficiels liés aux interactions cellulaires. Si ces injections graisseuses ne posent aucun problème sur le visage, les membres, et les fesses, elles peuvent susciter de nombreuses questions au niveau des seins. En effet, le sein n’est pas un organe comme les autres chez la femme. Le cancer du sein est le plus fréquent des cancers chez la femme. Son incidence a doublé depuis 25 ans en France et sa mortalité reste constante à plus de 10 000 décès par an. Il n’est donc pas anodin d’injecter de la graisse dans un sein où une femme sur 8 en France présentera un cancer du sein. Il est légitime de se poser les questions des interactions cellulaires entre les cellules glandulaires et les cellules graisseuses. Les publications scientifiques montrent que les transformations morphologiques radiologiques liées aux injections graisseuses (kystes huileux, macro calcifications) sont facilement différenciables par les progrès de l’imagerie (mammographie numérique et IRM) de la pathologie cancéreuse. Mais qu’en est-il des interactions cellulaires ?
Rien n’est actuellement démontré sur le plan scientifique, que ce soit envers un effet protecteur sur le cancer, ou envers un effet pro-cancérigène. La technique chirurgicale (prélèvement, préparation, ré-injection) pour ces injections graisseuses n’est pas standardisée et la survie des greffons graisseux est encore très variable selon les chirurgiens. Les deux éléments essentiels pour la bonne vitalité et la survie des greffons semblent être une purification de la graisse prélevée et des réinjections atraumatiques dans l’épaisseur des tissus.
Si l’injection de graisse est consensuelle en reconstruction mammaire après mastectomie et pour traiter les dégâts cutanés post-radiothérapies, elle reste à l’étude pour les séquelles des traitements conservateurs du sein. La discussion porte sur l’utilisation des greffons graisseux en esthétique et principalement en augmentation mammaire.
A l’heure actuelle, la Société Française de Chirurgie Plastique, Reconstructrice et Esthétique ne cautionne pas l’injection de greffons graisseux autologues dans la glande mammaire, en dehors du cadre de protocole clinique. Il se pourrait que fort de l’expérience des autres sociétés savantes étrangères, cet avis évolue en raison des avancées de la Société de Chirurgie Plastique Américaine où les greffons graisseux sont à l’heure actuelle utilisés en augmentation mammaire ou pour le traitement des seins tubéreux et autres syndromes malformatifs.
Même si cette technique présente de nombreux avantages très séduisants, il existe des inconvénients et des inconnues en particulier le caractère non prévisible du résultat final avec un pourcentage de résorption des greffons entre 30 et 60 % et le caractère probablement non permanent. La disponibilité des greffons graisseux est également un facteur limitatif.
L’avenir de la reconstruction et de l’esthétique du sein risque fort de passer par les injections graisseuses. Et si une autorisation est validée en chirurgie esthétique, il faudra encore toutefois suivre certaines règles de prudence. La sélection des patients sans antécédent familial de cancer du sein, une surveillance clinique et iconographique rapprochée et la réalisation d’une biopsie au moindre doute sur une image radiologique, semblent primordiales dans cette avancée chirurgicale fondée sur des critères empiriques. Il est important de valider cette technique par de nombreux cas cliniques et une surveillance stricte des patientes.
Retrouvez notre dossier “Seins” dans Anti Age Magazine n°4