De la pratique à l’expertise. Praticien aguerri, auteur prolixe et porte étendard de l’anti-âge. Propos recueillis par Thierry Piolatto
ANTI-AGE Magazine : Avez-vous un gourou ?
Professeur Jean-Paul Meningaud : J’ai cherché pendant longtemps un gourou ! C’est fort utile de disposer d’une locomotive à imiter mais malheureusement cela ne s’est pas fait pour moi et maintenant il est trop tard. Peut-être suis-je réfractaire à tout gourou…
AA Mag : Quelles ont été vos influences majeures ?
Pr J-P. M. : Au cours de ma carrière, j’ai vraiment apprécié beaucoup de personnalités comme Vladimir Mitz, Pr Yvon Raulo, Pr Alain Bellavoir, Pr Maurice Mimoun, ou à l’étranger comme le Dr Fuente Del Campo, les Drs Riley et Powell, le Dr Oscar Ramirez, mais il m’a été difficile de trouver un « prêt à penser » global de la chirurgie plastique tel que je l’imaginais.
AA Mag : Le plafond de votre niveau d’exigence?
Pr J-P. M. : The sky is the limit ! J’aime la médecine globale, de l’anti-âge à la microchirurgie. L’être humain forme un tout aussi bien matériel que spirituel. Entre l’anti-âge, la médecine et la chirurgie esthétique, et les enjeux fonctionnels parfois vitaux, il y a des synergies.
AA Mag : A partir de quelle époque avez-vous développé cette vision holistique ?
Pr J-P. M. : Cela remonte à mon enfance située dans le sillage de l’année 68 car ma mère avait des amies adeptes des médecines alternatives. Nous avions ainsi de longues conversations sur l’intérêt du jeune, de l’argile sur la peau, des acides de fruits… Il y avait des discussions enflammées sur les régimes végétariens, végétaliens, sur la médecine énergétique… Tout cela m’a influencé et m’a donné envie de faire médecine même si paradoxalement nous étions dans la critique de la médecine allopathique. Ironie de l’histoire, j’en suis aujourd’hui un défenseur !
AA Mag : Quel a été votre parcours ?
Pr J-P. M. : Au début j’ai voulu faire de la recherche scientifique sur le vieillissement. J’ai ainsi fait biologie et travaillé à Jussieu en chimie organique. Il m’est arrivé de travailler une journée entière sur une étape de synthèse d’une molécule mais je ne développais pas de vision globale et j’ai voulu devenir médecin. Un beau jour j’ai croisé des amis qui préparaient le concours de l’internat et ils m’ont dit « viens avec nous »… J’ai trouvé un côté très ludique aux conférences d’internat, l’émulation a fait le reste. J’ai réussi le concours d’entrée. Puis j’ai démarré par la cardiologie interventionnelle, donc proche de la chirurgie par beaucoup d’aspects. Cela m’a donné envie de faire de la chirurgie générale, attiré aussi par le fait qu’un chirurgien est forcément médecin, et donc que je ne perdais pas cette qualité. On m’a rapidement proposé un poste de chef de clinique. Puis j’ai eu la chance de faire de la chirurgie plastique très jeune et là aussi j’ai été très intéressé.
J’ai assisté à des interventions de chirurgie maxillo-faciale et me suis vite engagé sur ce sujet. J’ai été chef de clinique à la Pitié Salpêtrière, puis Praticien Hospitalier à Créteil et j’ai obtenu une chefferie de service à 34 ans à Villeneuve St Georges. C’est dans ces différents établissements que j’ai appris et apprécié le management. Après plusieurs années j’ai rejoint le Pr Laurent Lantieri qui avait besoin d’un collègue pour l’aider dans la problématique des greffes de visage sur le plan des prélèvements (alors que les Américains préconisant des prélèvements très superficiels de facto longs à mettre en oeuvre, j’ai eu l’idée de faire des prélèvements profonds plus rapides). J’ai d’ailleurs écrit des articles sur le sujet qui m’ont valu en 2011 le James Barrett Institute Awards, l’une des plus belles distinctions en chirurgie plastique.
J’ai pratiqué avec le Pr Lantieri 7 greffes de visage. Ce dernier a souhaité partir pour l’Hôpital Européen Georges Pompidou fi n 2011. Je suis resté au CHU Henri Mondor. C’est un très gros service avec trois salles d’opération qui tournent en simultané, 10 séniors et 14 internes. Parallèlement, j’ai été membre du Conseil Départemental de l’Ordre pendant 14 ans.
AA Mag : Focus sur la chirurgie plastique ?
Pr J-P. M. : Je faisais à l’époque beaucoup de chirurgie, notamment pour les séquelles de brûlure et je me suis rendu compte que ma formation maxillo-faciale et mon activité de chirurgie plastique générale m’obligeaient à faire le grand écart. J’ai régularisé la situation en devenant chirurgien plasticien. En 2010, j’ai commencé à créer des diplômes de médecine esthétique : Plus d’une dizaine dans des domaines pointus (les injectables, le cheveu, la microchirurgie, la médecine environnementale, …) et plus de 500 étudiants formés par an. On a même délocalisé une partie de nos activités à Casablanca où nous proposons un diplôme français en partenariat avec l’UPEC (Université Paris Est Créteil) dont je dépends. La médecine esthétique se développe énormément en Afrique (un secteur d’avenir) notamment sur les injections et la cosmétique.
Puis, nos étudiants nous ont demandé de créer un congrès et il y a 5 ans AIME (Assise pour l’innovation en médecine esthétique) voyait le jour à Paris suivi de J’AIME Marrakech. N’oublions pas que la chirurgie plastique française a toujours été à la pointe depuis la lipoaspiration avec le Dr Yves-Gérard Illouz, le lipofilling avec le Dr Pierre Fournier, bien avant le Dr Sydney Coleman. Que dire aussi des gueules cassées avec le Dr Hippolyte Morestin… Et même sur l’histoire de l’acide hyaluronique : ce sont encore les Français à travers la société Cornéal !!! Nous sommes dépositaires d’une tradition que nous devons défendre, la fameuse French touch, les bonnes pratiques, l’excellence dans la formation et même la conception holistique du patient ! L’humanisme des French doctors est reconnu dans le monde entier, nous sommes à l’origine de beaucoup d’innovations et ce savoir a vocation à s’exporter.
AA Mag : Comment se présente votre emploi du temps ?
Pr J-P. M. : Je suis professeur d’université et j’ai 3 activités statutaires : La première couvre les soins et j’opère presque tous les jours (lifting, lipoedème, réparatrice…) ; la deuxième concerne l’enseignement, la troisième a trait à la production scientifi que (environ 30 articles par an, chaque publication se traduit en ressources fi nancières pour l’hôpital par le système des points SIGAPS). Nous rédigeons également de la littérature « grise » qui est aussi scientifique mais sans suivre la méthodologie des études cliniques. Nous y accordons beaucoup d’importance (NDLR : Merci pour la citation d’Anti Age Magazine dans ce contexte). Ma quatrième activité recouvre les expertises judiciaires puisque je suis expert auprès de la Cour d’Appel de Paris et agréé par la Cour de Cassation. C’est important de défendre une Médecine de qualité, le rôle de conseil auprès du juge est essentiel. Enfin, par à-coups, j’ai une activité d’auteur en publiant des livres dont le dernier est « Le programme anti-âge ». Entre la première et la seconde édition, certaines hypothèses ont été confirmées mais rien n’a été infirmé. Je vais essayer de le mettre à jour tous les ans. J’y développe le « IN » (génétique, compléments alimentaires… ) et le « OUT » (médecine et chirurgie esthétique). On se rend compte que le OUT a aussi un impact sur le IN et bien sûr réciproquement. Tout est relié : indirectement via le psychisme (on se sent mieux dans sa peau…) et parfois directement car si on injecte par exemple de l’acide hyaluronique on s’aperçoit qu’il déclenche aussi une induction collagénique avec un impact positif sur le tissu dans lequel il est injecté.
AA Mag : Deux sujets à extraire comme nouveautés ?
Pr J-P. M. : Indéniablement, en anti-âge les sénolytiques et la médecine mitochondriale. En médecine esthétique, les inducteurs tissulaires. Une bataille à livrer ? Expliquer que l’homme est un tout et que la médecine esthétique a aussi un but thérapeutique. Une définition simple ? A partir du moment ou un geste est pratiqué par un médecin, il est thérapeutique ! Mon travail est ma passion. Je m‘intéresse beaucoup à la spiri-tualité, à ma vie familiale qui est très riche. Je pratique des arts martiaux (Kung Fu, Tai Chi, Chi Kong avec mon maitre…). Dans ce domaine, j’ai un gourou !
Quelques publications : Le programme anti-âge (second édition) : amazon.fr/dp/B08CP926XP / La greffe du visage, ed Breal / Les injections usuelles en médecine esthétique (avec le Pr Barbara Hersant) amazon.fr/dp/B08M8RJKKP
OÙ LE TROUVER ? Chef du service de chirurgie plastique, reconstructrice, esthétique et maxillo-faciale du CHU Henri Mondor, 1 Rue Gustave Eiffel 94000 Créteil
Plus d’informations : meningaud.com