Par le docteur Henry Delmar et le professeur Jean François Mattéi
La singularité et la beauté d’un visage tient moins à ce qui le compose qu’à ce qu’il exprime. Ses diverses parties, les yeux, le nez, la bouche, les pommettes, et l’ovale du visage, peuvent être parfaitement réguliers ; si elles n’expriment rien, en restant figées comme sur une photographie d’identité, elles ne forment pas un véritable visage. Pour que celui-ci prenne vie aux yeux de celui qui le regarde, il faut qu’une expression anime sa composition.
Sur le plan morphologique, l’activité musculaire met en mouvement les différents éléments tissulaires autour des orifices du visage et notamment autour des yeux et de la bouche, l’orifice narinaire ayant un rôle secondaire. Cette dynamique a pour objet la réalisation d’une expression. Il a été longtemps considéré que l’expression et leur perception étaient universelles. Il est, aujourd’hui, admit que la culture influence la traduction des émotions. Ainsi, les Asiatiques ne décodent pas de la même façon certaines expressions occidentales comme la crainte et le dégoût. La manifestation des expressions du visage est alors le résultat d’un apprentissage.
Pour le dire autrement, la mimique est le reflet de notre humanité, de notre culture et de notre individualité. L’expression se modifie progressivement au cours du temps en faisant apparaître des rides autour des yeux et des lèvres. C’est la combinaison du vieillissement tissulaire (peau, graisse, os) et de l’augmentation du tonus musculaire par hyperactivité qui est responsable du vieillissement morphologique du visage, entraînant peu à peu un creusement des traits, un affaissement (chute de la pommette), une modification du dessin du sourcil qui rendent le visage moins harmonieux. La conséquence de ces bouleversements est la transformation négative de l’expression basale donnant l’impression d’un visage fatigué, triste, alourdi par des ombres qui forcent les traits.
Mais cette dimension morphologique ne rend pas compte à elle seule de la beauté d’un visage. Sur le plan psychologique, elle concerne les expressions qu’il est susceptible de présenter et qui constituent son apparence. Celle-ci ne résulte pas du jeu objectif de proportions, que l’on a parfois identifié au nombre d’or, mais à une construction subjective de l’harmonie des traits dont la singularité peut présenter des défauts. Si le nez de Barbra Streisand ne lui permet pas d’avoir la régularité du profil grec, c’est pourtant lui qui donne sa personnalité au visage de la chanteuse. L’équivocité du visage, qui peut dévoiler ou dissimuler différentes intentions, tient précisément à la double nature de ses expressions. D’une part, le visage manifeste des expressions joyeuses, tristes, amicales, craintives ou colériques, qui constituent l’apparence de la personne, c’est-à-dire les fait apparaître à la « vision » d’autrui, d’où son nom de « visage ». D’autre part, il renvoie à des sentiments, la joie, la tristesse, l’amour, la haine, la crainte ou la colère, qui sont éprouvées intérieurement par la personne au fond de son être. L’expression hésite donc toujours entre l’être et l’apparence, voire entre la vérité et l’illusion, comme on le voit au théâtre et au cinéma : le visage des acteurs doit exprimer les sentiments des personnages qu’ils interprètent sans que, pourtant, ils les éprouvent intérieurement.
L’apparence ici ne révèle plus l’être. Si nous appliquons ces remarques à la chirurgie esthétique, les modifications d’un visage par des injections de toxine botulique, quand elles ne sont pas réussies, risquent de donner aux visages retouchés une apparence artificielle avec des lèvres disproportionnées, des pommettes trop lisses et des yeux trop tirés. À telle enseigne, que les metteurs en scène d’Hollywood refusent d’engager des acteurs et actrices trop modifiés par la médecine.
Leur apparence ne renvoie plus à l’être de la personne, c’est-à-dire à la personnalité que l’on voudrait appréhender, mais à un masque qui ne révèle plus qu’une illusion. La toxine botulique apporte des réponses au vieillissement musculaire. Toutefois, l’utilisation pertinente de la toxine botulique répond précisément aux conséquences du vieillissement musculaire par son action sur la plaque motrice. En effet, elle diminue son hyperactivité responsable de rides périorificielles, de changement de forme de certaines parties du visage comme le sourcil et de la transformation négative de l’expression basale. L’enjeu du médecin est de répondre ici à la double problématique de l’harmonie du visage et du respect de son expression. L’utilisation de la toxine botulique nonstandardisée évite le gel expressif, tout en ouvrant le regard, dessinant le sourcil, supprimant les expressions négatives, relâchant la tension des lèvres, estompant certaines ombres, reformant partiellement l’ovale et tension musculaire du cou.
Pour cela nous proposons l’hyperconcentration de la toxine par rapport aux recommandations du laboratoire (Azzalure : dilution à 0,4 ml et Vistabel : 0,5 ml), le centième de ml devenant notre référence. Il n’est pas rare d’injecter le muscle corrugator (mc) en trois points, le depressor supercilii (ds), le muscle frontal (mf) en dix points, le muscle orbiculaire des paupières (moo) en dix points et des lèvres doit être balancée par le réglage de son agoniste. En effet, il existe une balance musculaire périorificielle qui permet la mobilisation précise des tissus qui le compose. La modifi cation du dessin du sourcil est anticipée par le réglage des muscles qui l’animent (mc, ds, mf, moo et muscle releveur de la paupière pour l’orifice palpébral) ; la forme de la fente palpébrale est modifiée par l’action sur le moo proche du canthus latéral. L’inconvénient de l’utilisation de la toxine botulique adaptée à l’expression est d’une moindre durabilité qui impose à celles et à ceux qui le souhaitent une augmentation de la fréquence des injections (tous les quatre mois). Bien évidemment, cette molécule n’est qu’une couleur dans la palette de la chirurgie esthétique et le rôle du chirurgien et du médecin esthétique est de faire jouer les couleurs avec subtilité pour sublimer l’harmonie et respecter l’expression de chaque patient.