On parle peu de l’emploi des cellules souches dans les cosmétiques. Alors qu’un nombre croissant de crèmes et de compléments les utilisant arrive sur le marché, que dit réellement la loi concernant leur utilisation ?
Le docteur Sylvain Romain Cotte nous répond :
Les cellules souches sont des cellules qui ont la capacité de se multiplier et de se régénérer tout au long de la vie de l’organisme. Il existe différentes natures de cellules souches :
a- Les cellules souches unipotentes qui ne génèrent que des cellules identiques à la cellule mère. Par exemple les cellules souches des kératinocytes donnent naissance à des kératinocytes.
b- Les cellules souches multipotentes, extraites de l’organisme adulte se différencient en plusieurs types de cellules spécifiques d’un lignage cellulaire. Par exemple, les cellules souches hématopoïétiques donnent des leucocytes, des hématies ou des thrombocytes.
c- Les cellules souches pluripotentes, dont font partie les cellules souches embryonnaires. Elles ont la capacité de se différencier en presque toutes les cellules de l’organisme (environ 200 chez l’homme) mais ne peuvent pas, seules, être à l’origine d’un organisme entier. Elles sont extraites plus de 4 jours après la fécondation.
d- Les cellules souches totipotentes qui peuvent se différencier en n’importe quelle cellule du corps humain. Il s’agit des cellules originaires des premières divisions de l’ovule fécondé jusqu’au 4ème jour de développement. Elles peuvent donner naissance à un organisme complet.
Les cellules souches peuvent également être classées selon un stade de développement. On retrouve alors 3 catégories :
a- Les cellules souches de fœtus (recueillies sur un fœtus âgé de 8 à 9 semaines, dans le placenta, le sang du cordon ombilical ou sur un fœtus avorté)
b- Les cellules souches embryonnaires (extraites d’un blastocyste, embryon de 5 ou 6 jours)
c- Les cellules souches adultes (que l’on retrouve dans le sang ou la moelle osseuse).
Cellules souches humaines, animales, végétales et produits cosmétiques
D’un point de vue cosmétique, les cellules souches adultes, multipotentes sont les plus intéressantes mais leur emploi n’est pas autorisé en Europe.
On les trouve au sein de certains tissus comme le foie, les muscles, les os, la peau où elles se situent notamment au niveau des glandes sébacées, des glandes sudoripares, du follicule pilleux, des adipocytes. Leur rôle est de remplacer les cellules endommagées, en cas de lésion du tissu. En vieillissant (même si tous les chercheurs ne sont pas en accord sur les processus impliqués) la capacité de différenciation des cellules souches diminue.
En Europe, comme il n’est pas autorisé de commercialiser des produits contenants des cellules souches humaines, les propositions cosmétiques agissent sur trois axes. Le 1er concerne l’introduction dans les crèmes de cellules souches végétales aux propriétés similaires. La société Suisse Mibelle Biochemistry a été l’un des premiers acteurs avec des cellules souches de pomme, de rose des alpes, d’argan. Le 2ème axe s’intéresse aux cellules souches épidermiques et dermiques qui grâce à des actifs ciblés voient leur vitalité renforcée. Enfin le 3ème axe est issu de recherches qui montrent que le processus de vieillissement ne serait pas lié à la réduction du nombre de cellules souches mais à la dégradation de leur environnement, appelé niche. Des actifs spécifiques sont alors introduits pour préserver cet endroit.
En dehors de l’Europe, certaines entreprises ont fait le choix de développer des produits cosmétiques à base de cellules souches humaines. C’est le cas de Neocutis en Suisse qui en collaboration avec le CHU de Lausanne a mis au point une crème à base de cellules souches de fœtus. Ce produit est commercialisé seulement aux Etats-Unis et sur prescription médicale. Les dermatologues le conseillent pour des patients ayant d’importants problèmes de sécheresse cutanée ou cherchant un produit antiride. Les mouvements « pro-life » américains et européens ont fortement réagi à ce lancement bien que la crème ne contienne pas de cellules souches embryonnaires. Celles-ci n’ont été nécessaires que pour l’obtention de cellules « précurseur » à la synthèse de protéines contenues dans la crème. Aux USA, Ticeba propose des produits à partir de cellules souches adultes du patient. Elles sont prélevées derrière l’oreille, mises en culture durant 3 mois et réinjectées ensuite après multiplication au niveau du visage, du décolleté, du cou.
Cellules souches et modèles cutanés
Les cellules souches sont aussi utilisées dans des études de pharmacotoxicologie pour obtenir des cellules cutanées sur lesquelles des tests de toxicologie sont effectués. Un programme de recherche ScreenTox a été lancé par l’INSERM en 2011. L’Union européenne et l’industrie cosmétique européenne qui financent ont comme objectif de pouvoir évaluer la toxicologie des médicaments et ingrédients cosmétiques via l’utilisation de cellules souches.
Cellules souches et médecine esthétique
En médecine esthétique, les cellules souches sont utilisées dans la technique du « lipofilling ». Du tissu adipeux du patient est prélevé puis centrifugé pour en extraire les cellules souches. Celles-ci sont ensuite réinjectées afin de restaurer des défauts de contours et de volume ou de faciliter la cicatrisation de plaies chroniques. On utilise aussi cette technique pour obtenir un gonflement mammaire qui a plusieurs avantages : pas de rejet comme cela peut être le cas avec les implants en silicone ou les prothèses, un aspect et un palper très naturels, des résultats fiables et durables.
Les cellules souches sont donc au cœur de l’industrie cosmétique et esthétique même si elles n’ont pas encore révélées l’intégralité de leur immense potentiel. De nombreux espoirs portent sur l’utilisation des cellules pluripotentes induites (iPS). Ces cellules « reprogrammées » seraient capables de remplacer les cellules souches embryonnaires mettant ainsi fin aux problèmes éthiques. En 2006, une équipe de l’université de Kyoto a mis au point une technique basée sur l’expression de 4 gènes codant pour le contrôle de l’ADN et permettant de traiter des cellules adultes dans le but de les faire revenir au stade de cellules souches embryonnaires. Des expériences ont permis de reprogrammer des cellules de souris mais aussi d’homme, avec des résultats très concluants. Il persiste cependant un problème majeur, il resterait dans le génome des iPS, des traces du génome de la cellule adulte dont l’iPS est originaire. Ces traces peuvent avoir des conséquences importantes et bloquer la spécialisation dans un tissu différent de celui d’origine.