Par le Docteur Isabelle Catoni
«Une vocation». Petite fille d’un médecin de campagne, j’ai su dès l’âge de 6 ans que je serai docteur. Gynécologue, psychiatre ? J’ai finalement opté pour la dermatologie qui m’a permis de considérer l’être humain dans sa globalité tant la peau reflète l’expression de nos maladies les plus intimes et les troubles de notre cerveau, ainsi que j’ai pu le constater tout au cours de mes 30 années d’exercice.
Votre parcours professionnel ?
J’ai suivi mon cursus universitaire de médecine et ma spécialité en dermatologie à l’Université René Descartes à Paris. Après différents stages dans les hôpitaux parisiens St Louis, Tarnier Cochin, Bichat, j’ai débuté mon activité libérale en 1990. Depuis 2003 je suis installée à Neuilly/Seine.
L’arrivée du laser en France a marqué un tournant décisif dans ma vie. En 1993, à l’instar de deux collègues, les docteurs Jean Luc Lévy à Marseille et Simon Berrebi à Paris, j’ai fait l’acquisition du premier laser pigmentaire Q-Switch. Pour la première fois, il était possible d’effacer sans cicatrice ni séquelle des pigmentations naturelles marron, noires comme des taches de naissance ou apparues au cours de la vie ainsi que les pigmentations artificielles comme les tatouages.
Comment êtes-vous devenue spécialiste en lasers ?
Mes notions de physique quantique étant insuffisantes pour comprendre parfaitement le mode d’action des photons et l’absence d’enseignement m’ont incitée à créer, en 2001, le premier diplôme universitaire : « D.U. de lasers en dermatologie, angiologie et chirurgie réparatrice ». Ce D.U. auquel j’ai participé, en tant que coordonnatrice et enseignante, m’a permis d’étudier, au fil du temps, chaque nouvelle technologie mise sur le marché. Ayant élargi mon panel d’activités dans l’esthétique : peelings, injections, toxine …, ainsi que mon parc technique (ultrasons, radiofréquences, Tixel …), ce D.U. spécifique aux lasers est devenu « D.I.U. des actes esthétiques dermatologiques règles de l’art et vigilance » – afin d’enseigner toutes les procédures esthétiques. Une aventure passionnante qui dure depuis 20 ans et a formé près de 1000 professionnels.
Comment avez-vous vécu l’évolution de la médecine esthétique ?
Outre ma formation personnelle à de nombreuses techniques en perpétuelle évolution (toxine botulique, injections d’acide hyaluronique, peelings…), il m’est apparu essentiel, à une époque où cela n’existait pas, de mettre en relation des experts en esthétique afin de confronter les expériences, évoquer les cas complexes, les prouesses et les échecs, échanger les bonnes pratiques. Si les rencontres entre spécialistes, lors de congrès et de formations, sont courantes aujourd’hui, lorsque nous avons créé l’AREDEP (Association de Recherche en Esthétique Dermatologique et Plastique) en 1994, avec trois chirurgiens et deux dermatologues (Patrick BUI, Marc DIVARIS, Bernard MOLE et Jean-Romain MANCIET, Bernard PEYRONNET), c’était un véritable défi tant le clivage entre professionnels était profond.
Cette association loi 1901 fut la première à réunir, lors de congrès annuels et de soirées thématiques, des acteurs de l’esthétique médico-chirurgicale soucieux de confronter leurs expériences en toute transparence. Il y était systématiquement question de vigilance. Nos questions concernaient nos pratiques : étaient-elles sures, fiables, sans risque ? Nous avions même, alors visionnaires, inventé le « passeport beauté de l’AREDEP » destiné aux patients, sur lequel nous préconisions aux médecins de noter toutes les procédures et coller toutes les étiquettes de traçabilité des produits injectés afin d’éviter les incompatibilités et les risques de complications… Après cette aventure très enrichissante qui dura plus de 15 ans, j’ai participé à différentes formations, divers enseignements, groupes de travail, congrès nationaux et internationaux soit dans leur comité scientifique ou en tant qu’intervenante (IMCAS, AMWC, SBME, FACE, DEFEE, F@ce2face, EBAME, SFME…). J’ai l’honneur d’être membre du bureau de la SAMCEP, Société qui pour moi réunit toutes les qualités d’indépendance, de rigueur scientifique, d’ouverture qui permet de faire avancer l’esthétique médico chirurgicale.
La médecine esthétique est aujourd’hui une spécialité à part entière, reconnue et recherchée dont les «Awards de l’Esthétique Médicale» encourageront et récompenseront chaque année les protagonistes. Je suis fière de faire partie de son comité scientifique.
Comment définiriez-vous votre pratique? Avez-vous des conseils à donner ?
Mon activité est très technique, je travaille avec mes mains, je suis un artisan. C’est un exercice qui demande des efforts physiques : un laser est bruyant, on est courbé, la radiofréquence fait travailler le poignet, les séances d’ultrasons durent une heure, les injections nécessitent concentration et précision du geste … je me compare parfois à un plasticien qui travaille sur le relief, la couleur, la forme.
Une grande partie de mes actes esthétiques est consacrée à donner de l’éclat à la peau, améliorer sa texture, effacer ses taches rouges, brunes. J’utilise des lasers froids pour la photo bio modulation. Cette innovation est essentielle car la recherche actuelle permet d’obtenir des résultats efficaces, en évitant au maximum les évictions sociales tout en minimisant le nombre de séances nécessaires. C’est ainsi que sont advenues les techniques de « tightening » consistant à chauffer les fibroblastes à une certaine température, sans brûler l’épiderme, pour recréer des fibres à l’origine de la remise en tension de la peau.
Alors que mon activité était très agressive sur les peaux il y a 25 ans, elle devient de plus en plus douce grâce aux nouvelles technologies. J’ai été étonnée, par exemple, en utilisant les lasers froids du Miltaderm, du pouvoir de la lumière sur les cellules. Je les associe dans des protocoles que j’ai élaborés pour atténuer les cicatrices, vergetures, traiter une acné, une rosacée, pour redonner densité et élasticité à un visage plutôt que modifier ses volumes…
J’ai mis au point quelques « astuces » que j’utilise quotidiennement comme la technique que j’ai appelée « le pointillisme » pour limiter le risque d’hyperpigmentation dans le traitement des taches au laser. Pour le traitement des ridules très fines et des pores dilatés, j’ai créé la « botoxythérapie », et j’optimise les résultats de la mésothérapie avec ma technique du « mésopistol ».
Je conseille, lorsque cela est possible, de modifier certains modes de vie pour éviter les problèmes inflammatoires. Enfin, je suis une fervente adepte du « less is more » du Dr Frédéric Braccini en restant vigilante quant à la quantité des produits injectés : tout reste et tout glisse dans le bas du visage… Je veille à ne jamais faire à un patient ce que je ne ferais pas à mes proches. «Belle à tout âge» signifie pour moi que chaque visage a sa beauté, qu’effacer toutes ses rides est une erreur, que seules celles inspirant tristesse ou amertume sont à corriger. « Vieillir en beauté » sans transformer artificiellement la beauté d’origine reste mon adage.
Etes-vous satisfaite d’avoir choisi cette spécialité et comment voyez-vous l’avenir ?
Cette spécialité m’a permis de garder intact mon enthousiasme tant les connaissances, en perpétuelle évolution, modifient nos certitudes.
De grands spécialistes m’ont permis de mieux appréhender les mécanismes et la complexité du processus de régénération des cellules dans la réparation de la peau en la stimulant et en la chauffant sans la détruire.
Je suis fascinée par la vie cellulaire, les interactions et communications inter-cellulaires et par le rôle certainement fondamental des micro-organismes sur notre peau et à l’intérieur de notre corps.
Nous disposons d’un potentiel extraordinaire, nos cellules sont capables de se réveiller à la suite de stimulation précise et de se «re-fabriquer» comme s’il y avait en chacun de nous quelque chose d’éternel. C’est ainsi par exemple qu’une personne âgée sera en capacité, suite à une opération après une chute, de se remettre à fabriquer des os, du derme, je trouve cela fantastique.
Une conquête reste à gagner : le traitement du corps
Dans mon cabinet, si la cryolipolyse est indéniablement efficace sur des amas graisseux localisés, il est bien plus difficile de traiter le relâchement cutané de la peau du corps car celle-ci est bien plus lourde que celle du visage. Nous avons obtenu des résultats encourageants après plusieurs séances de la technologie « micro onde ». L’association de plusieurs technologies au cours de la même séance me paraît être la solution la plus prometteuse pour traiter le corps dans sa globalité. J’espère dans le passage transdermique de principes actifs pour traiter les ridules de surface par le Tixel et d’autres appareils comme les radiofréquences fractionnées. Bien sûr, il reste beaucoup d’inconnues.
- Pourquoi existe-t-il des « bons » et des « mauvais » répondeurs ?
- Pourquoi une cellule réagit-elle à une stimulation et pas à une autre ?
- Avons-nous suffisamment évalué le rôle de la micro vascularisation cutanée dans nos traitements ?
Docteur Isabelle Catoni.
109 bis avenue Charles de Gaulle
92200 Neuilly sur Seine.
Plus d’information dermatologue-catoni.com