Par Fabien Guillemot
Le futur des tissus biologiques personnalisés
Comment recréer des tissus biologiques permettant de restaurer les fonctions de l’organisme ou être utilisés comme modèles prédictifs ?
Comment ça marche ?
En dépit d’importants développements, les approches classiques d’ingénierie tissulaire, basées sur la culture de cellules sur des biomatériaux macroporeux, se heurtent aujourd’hui à un certain nombre d’obstacles scientifiques, techniques, voire réglementaires. Ces obstacles concernent notamment la difficulté de reproduire la complexité des tissus humains, de « personnaliser » les tissus (par exemple via l’utilisation des propres cellules du patient et l’intégration de données anatomiques), ou encore d’assurer une absolue sécurité lors des étapes de fabrication.
Dans ce contexte, le développement des technologies de fabrication numérique a conduit à l’émergence de la bioimpression, ou impression 3D de tissus biologiques. Cette nouvelle technologie repose sur le principe de l’impression 3D qui consiste en la fabrication par dépôt de matière couche-par-couche à partir d’un fichier numérique. Si l’impression 3D commence aujourd’hui à être utilisée directement en clinique pour réaliser des implants sur-mesure (une équipe américaine de l’Université du Michigan a ainsi récemment fabriqué, à partir d’images obtenues par imagerie IRM, une attèle en polymère biocompatible qui a été implantée avec succès au niveau du thorax d’un enfant), il convient de noter que la bioimpression est encore émergente du fait des spécificités techniques et scientifiques associées à l’impression de matière biologique vivante. Ainsi, les bioimprimantes diffèrent complètement des systèmes d’impression 3D utilisés pour la fabrication de pièces métalliques, céramiques ou polymères.
La Bioimpression procède de la séquence suivante :
1) la conception assistée par ordinateur de l’architecture du tissu biologique au cours de laquelle l’organisation spatiale de l’ensemble des constituants des tissus est définie,
2) la programmation de l’imprimante en relation avec les propriétés des « encres » contenant les cellules,
3) l’impression couche-par-couche des tissus biologiques à l’aide d’automates (bioimprimantes) qui reproduisent les motifs conçus par ordinateur en déposant des micro-gouttelettes d’encre biologiques,
4) la maturation du tissu imprimé en bioréacteur qui permet aux cellules de s’auto-organiser jusqu’à faire émerger des fonctions biologiques spécifiques.
Dans le contexte international, la Bioimpression a connu ses principaux développements au cours des cinq dernières années, avec par exemple : la bioimpression de cellules souches adultes ou embryonnaires humaines, les premiers essais d’implantation chez l’animal de tissus imprimés, la réalisation de bioimpression in vivo et in situ (directement dans des souris), et la création des premières sociétés commercialisant des systèmes de bioimpression ou des tissus bioimprimés.
La Bio-impression par Laser :
Au sein de l’INSERM à l’Université de Bordeaux et en collaboration avec le CHU de Bordeaux, nous avons travaillé depuis 2005 sur une technologie particulière : la Bioimpression par LASER. Nous avons pu démontrer que cette technologie procure un certain nombre d’avantages par rapport aux autres techniques de bioimpression (bioextrusion, jet d’encre, …) tels que la très haute résolution et la rapidité. Cette haute résolution permet notamment de guider la formation du tissu en contrôlant très finement les interactions entre les cellules.
Récemment, nous avons créé Poietis, entreprise spécialisée dans la bioimpression de tissus personnalisés, car notre vision est que la bioimpression accompagnera le développement de la médecine individualisée que ce soit pour sélectionner les molécules et médicaments les plus adaptés au patient en amont des thérapies ou, à terme, pour produire de façon automatiser des greffons à partir des cellules du patient. Des besoins similaires issus du domaine esthétique pourraient aussi émerger, même si ce domaine ne fait pas encore l’objet d’investigations particulières.
Photo :
Fonctionnement de la bioimpression assistée par LASER. La focalisation d’une impulsion laser (en bleue) sur une cartouche (composée d’un film d’encre étalé sur une plaque de verre) entraîne la formation d’un jet d’encre vers un substrat sur lequel sont collectées des microgouttelettes de cellules. Les motifs de cellules sont obtenus par un balayage rapide de la cartouche par le laser qui entraîne la formation de 10 000 gouttelettes par seconde.
INSERM | University of Bordeaux
Senior Researcher
BioTiss U1026 > Groupe Teal
Président de Poiétis