Par le professeur Jean Claude LE JOLIFF
La cellulite est un problème complexe et la cosmétique ne peut pas à elle seule résoudre cette question. Toutefois elle reste de l’un des moyens communément utilisés pour y répondre. Alors quelles sont les solutions à la disposition du cosmétologue ?
La cosmétique cible tout d’abord ce que l’on nomme le tissu adipeux. Celui-ci est constitué de cellules graisseuses, les adipocytes, du stroma (le réseau conjonctif support de ces cellules, lui-même composé par des cellules vasculaires, des cellules inflammatoires), et des cellules progénitrices. Mais la cellulite n’est pas uniquement un excès de graisses, c’est également une inflammation du tissu adipeux. Il s’ensuit un gonflement des cellules d’où l’aspect peau d’orange par pression sur les fibres de collagène avoisinantes.
La cosmétique permet d’agir à quatre niveaux : stockage du gras, stockage des adipocytes, tuyaux et inflammation.
Gérer le stock de gras
Nous avons un moyen particulièrement bien indiqué pour gérer le gras avec l’AMP cyclique, un messager cellulaire, qui règle le processus de la lipogénèse. De nombreuses substances peuvent antagoniser ce système, la plus connue est la caféine, ainsi que d’autres bases xanthiques. En maintenant l’activité de la phosphodiestérase, on pourra ainsi activer la lipolyse.
Un autre mode d’action se situe au niveau des récepteurs membranaires des adipocytes. Il existe des substances permettant d’antagoniser ces récepteurs, soit en inhibant la lipogénèse, soit en activant la lipolyse. Les adipocytes sécrètent également des substances d’un type particulier, les adipokines, et plus particulièrement l’adiponectine. Cette substance, exclusivement fabriqué par le tissu adipeux, est fortement diminuée dans le cas de la cellulite. Des substances permettant d’exprimer sa concentration peuvent être utilisées à cette fin. Les activateurs de la lipolyse constituent également une réponse couramment utilisée : il s’agit de substances dénommées « fat burner » dont la carnitine est l’un des principaux représentants.
Gérer le stock d’adipocytes
Il existe un processus appelé maturation adipocytaire, qui conduit les adipocytes à devenir matures et stocker du gras. En s’opposant à ce processus, on peut éviter que le stock d’adipocytes matures n’augmente en permanence. Une des cibles de ce processus est un groupe de gènes, dit PPAR gamma. Une spécialité récemment introduite sur le marché, qui est un dérivé glycosilé de caféine, présente l’intérêt d’améliorer l’activité de cette molécule, mais aussi de compléter l’action de la caféine par une action antagonisant une protéine qui régule la recapture du gras lors de la lipolyse. Dans un mode d’action plus récent, il est proposé d’inverser le processus de maturation par l’utilisation de substances caractéristiques comme la glaucine ayant la propriété de remplacer du tissu adipeux par du tissu mésenchymateux aux propriétés contractiles. En d’autres termes il s’agirait de remplacer du gras par du muscle !
Gérer les tuyaux
L’objectif est de lutter contre la stase veineuse souvent associée au processus de la cellulite, mais également de l’inflammation augmentant la perméabilité des vaisseaux. De nombreuses substances d’origine végétale aux propriétés veinotoniques ont été proposées. On trouvera des extraits de marron d’inde, de ginko, de ruscus, de fucus etc., mais également de nombreux polyphénols ou des facteurs vitaminiques C² comme les flavonoïdes.
Gérer l’inflammation
La cellulite présente de nombreuses caractéristiques de tissu inflammé, et plusieurs études ont montré qu’une diminution des marqueurs de l’inflammation conduit à une réduction significative de la cellulite. Il existe de nombreuses substances permettant d’antagoniser ces marqueurs comme les interleukines, ou de s’opposer à la formation des leukotriènes. Une approche assez originale a également été proposée consistant en la neutralisation des polyamines formées lors du processus inflammatoire. Ceci conduit à une activation de la lipolyse. Il a été constaté que l’on pouvait multiplier de façon significative l’action de la caféine par l’association avec ce type de substance.
Et dans le futur ?
La problématique de la cellulite étant fortement associée à celle de l’obésité, de très nombreuses études ont été menées pour trouver des solutions. L’une des voix les plus prometteuses est de cibler le tissu adipeux brun. Il existe deux types de tissu adipeux, le brun et le blanc, le blanc étant associé au stockage, le brun étant consommateur d’énergie. L’idée serait de privilégier le tissu brun au détriment du tissu blanc. Plusieurs études ont montré qu’il existe des substances susceptibles d’orienter la maturation des adipocytes vers du tissu brun. L’une des voies consisterait à agir au niveau d’une enzyme spécifique de la chaîne respiratoire, la protéine UCP, qui joue un rôle majeur dans la dissipation de l’énergie sous forme de chaleur. Une autre façon consisterait à gérer processus de la lipodystrophie, répartition du gras dans le corps, dont on ne connaît pas bien pour l’instant les bases qui règlent ce processus.
Gérer les tuyaux reste un objectif. Des avancées récentes montrent qu’il est possible d’agir sur le processus de l’apoptose des cellules endothéliales par des peptides pour appauvrir l’alimentation du tissu adipeux. De cette façon, il serait possible de modérer le stock de matière grasse. Les cellules souches sont également au centre des préoccupations. Outre le fait que le tissu adipeux constitue l’une des principales sources de cellules souches, déjà largement utilisé en médecine esthétique, les travaux sur la maturation des cellules souches pourraient conduire à des nouvelles stratégies de traitement. Au niveau de la galénique, le tissu adipeux étant relativement profond, la formulation et les formes galéniques utilisées en cosmétique jouent un rôle très important. L’utilisation de promoteurs de pénétration est souvent associée à la formulation de ce type de produit (alcool, glycols). Mais la vectorisation des principes actifs, avec ciblage le cas échéant, constitue incontestablement une des avancées significatives dans la biodisponibilité des principes actifs. La micro fluidique, technologie de pointe, semble particulièrement prometteuse dans ces applications. Les systèmes de délivrance transdermique aussi.
Enfin, la génétique reste également très prometteuse car certaines substances sont susceptibles d’agir sur l’expression de gènes associés à la cellulite.
Il existe donc de nombreuses façons de prendre en charge du point de vue cosmétique la cellulite et ses conséquences, tant en ce qui concerne les modes d’action, que la galénique. Elle ne concerne pas uniquement l’adipocyte, mais son environnement. Bien que l’on croyait que les progrès deviendraient limités, les avancées les plus récentes ouvrent des solutions techniques et scientifiques particulièrement attractives.