Par le Docteur Claude Dalle
Beaucoup de gens en parlent mais qu’est ce qu’une neuropill ? On peut la définir comme un pilule qui va stimuler le cerveau, dans un domaine d’activité ou un autre, pour lui augmenter ses capacités et nous rendre plus performant, plus efficace, plus en alerte.
Les neuropills sont utilisées depuis longtemps par les milieux étudiant et artistique, avec un certain succès, et ceci depuis la fin de la deuxième guerre mondiale : un étudiant pour passer un examen (surtout en médecine d’ailleurs !), un artiste qui veut conserver sa créativité plusieurs jours, ou la stimuler…autant de raison de les utiliser. On pourrait d’ailleurs ajouter aujourd’hui un trader, un pilote d’avion, etc… On dope en effet son corps, on recherche à améliorer son aspect physique par la médecine esthétique, pourquoi pas dès lors booster son cerveau ?
Cette notion de « gain de cerveau » (brain gain), car l’on sait que l’on n’utilise probablement que 10% de nos capacités cérébrales et les neuropills associées sont peut être les premiers éléments d’une longue liste de nouveaux « médicaments » qui vont apparaitre. On les appelle également de la « cosmetic brain ». En 1964 déjà, Timothy Leary, apôtre du LSD, avait adopté une approche scientifique pour expliquer l’expansion de la conscience. Il publiait « l’expérience psychédélique », sorte de guide pratique pour expérimenter les drogues hallucinogènes (avec John Lennon).
Quels sont les produits disponibles sur le marché ?
1- Les psychostimulants : Parmi les nombreux psychostimulants citons le piracetam, qui augmente les facultés cognitives. Il agit en protégeant le cerveau et le système nerveux contre le manque d’oxygène. Beaucoup d’autres molécules font pareil dont des plantes comme le Ginko Bilobé ou le Ginseng.
2 – Les amphétamines : Plus célèbre le Modafinil, (Provigil ®, Modiodal ®, Alertec ®) surnommé le « Viagra du cerveau » est une amphétamine. Elle accélère la vitesse de propagation de l’influx entre les neurones, augmente l’attention, la concentration, permet de beaucoup moins dormir et amplifie la mémoire. Notez que le Captagon, utilisé par Daesch, est aussi une vieille amphétamine, interdite en France…).
Les amphétamines sont des drogues utilisées pour lutter contre la fatigue. Comme la cocaïne, les amphétamines augmentent la concentration de dopamine en particulier dans le système dit de « récompense » (impliqué dans la sensation de plaisir) mais par un mécanisme distinct. Evidemment elles provoquent une dépendance physique et psychique, et un des revers est que l’on peut en en prenant faillir et s’écrouler brutalement. Aux Etats-Unis, on tolère l’utilisation du Modafinil pour les personnes ayant un emploi avec des horaires décalés (pompiers, personnel d’hôpital etc). Attention, la dépendance est assez rapide et le manque provoque fatigue et mal être. On a remarqué ces dernières années une augmentation de l’usage détourné des amphétamines, dont le Modafinil, notamment chez les sportifs (jadis le coureur cycliste Tom Simpson décédé en prenait. Plus récemment la sprinteuse Kelli White, le cycliste David Clinger, la basketteuse Diana Taurasi…).
Les amphétamines sont vraiment contre-indiquées en cas de problème cardiovasculaire, de troubles psychiatriques, d’allergie sévère, de maux de tête…)
3- le Méthylphénidate : Une autre des smart drogues les plus utilisées est le Méthylphénidate (Ritaline ®, Concerta ®), prescrit pour traiter les enfants hyperactifs ou en cas de narcolepsie. Son mécanisme d’action ressemble beaucoup à celui de la cocaïne. Il sert à améliorer la concentration, comme amaigrissant ou à des fins récréatives mais il peut entrainer des troubles cardiaques (tachycardie), digestifs (nausées, vomissements) et neurologiques : spasmes musculaires, troubles de la vision, nervosité, anorexie, insomnie, crises d’angoisse, épuisement… Il existe beaucoup de détournements et de mauvais usages (surtout par les étudiants) et c’est donc à juste titre qu’il est très surveillé par l’AFSSAPS. Regardez la série Dr House (épisode 11, saison 2). Une patiente est victime entre-autre des conséquences d’un excès : spasmes, hypervigilance, irritabilité, complications cardiovasculaires…Certains psychiatres sont totalement opposés à son utilisation, même pour les enfants hyperactifs ou les personnes narcoleptiques. En effet, il endommagerait à long terme les systèmes dopaminergiques et donc augmenterait les risques d’addiction (drogues, alcool, nourriture…). De plus, des études ont montré d’autres effets négatifs à long terme, comme un retard de croissance de l’enfant, des cancers etc. Le déficit en dopamine est impliqué dans la maladie de Parkinson.
4- Le donepezil : Il est utilisé pour soulager les patients atteints de d’Alzheimer et booster la serotonine (antidepresseur qui maintient une « paix » cérébrale et l’acetylcholine dans le cerveau, substances dont les taux sont très élevés quand on est jeune et qui décroissent vite avec l’âge. Ce produit améliore la mémoire, donne de la vivacité, et rend tout apprentissage plus facile. Les effets secondaires sont sérieux comme la rhabdomyolyse, une dégradation du tissu musculaire. Le syndrome malin des neuroleptiques est également un trouble très rare mais potentiellement mortel, caractérisé par un déséquilibre chimique qui affecte les systèmes nerveux et cardiovasculaires ainsi que la musculature.
5- La DMAE :– la DMAE ou Dimethylaminoethanol est un des principaux acides aminés du corps humain, que l’on trouve en petite quantité dans l’huile de poisson. On peut également l’avoir en médication. Elle accroit l’acetylcholine, la dopamine et la noradrenaline et stimule l’énergie, la vitesse de pensée. Elle est utilisée chez les gens d’un certain âge, efficacement, sans danger, à petite dose, en accroissant l’endurance, mentale et physique. La DMAE accroit la mémoire, l’apprentissage, mais peut aussi avoir des effets secondaires (constipation, dépression, épilepsie, troubles bipolaires, urticaire, insomnie, problèmes respiratoires, tension musculaire).
6- Caféine, théine… : Notons enfin que la caféine, la théine et beaucoup d’éléments contenus dans la chocolat par exemple sont déjà des vrais psychostimulants non toxiques, et c’est la raison pour laquelle beaucoup d’entre nous en prenons. Le succès du café pour les humains n’est plus à démontrer et celui du chocolat non plus !
Les psychostimulants ne sont pas des smart drogues, ni a court terme, ni a long terme, et n’ont rien de récréatif. Les « smart drugs » pourraient être considérées comme une solution pour débloquer notre potentiel dans une société dépendante à la technologie et dévoreuse d’exploits mais il faut bien se rappeler que l’effet d’un psychostimulant ou d’une smart drogue sur un cerveau déterminé est assez imprévisible actuellement. On ne peut prévoir l’effet d’une molécule, ni à court terme, ni encore plus à long terme. La pression sociale de la performance dicte la prise de ces produits, mais dans un contexte où leurs effets restent mal connus. La renommée et la fortune sont des clés sociales de la culture américaine et européenne pour une bonne partie. La recherche du bonheur passe peut être par une optimisation des facultés cérébrales, qui sont certainement actuellement loin d’être totalement exploitées, loin s’en faut. La psychologie « positive » utilise cette recherche du bonheur, et ces nouveaux moyens en font peut être partie ?
Alors est-ce que les neurologistes vont ils devenir nos consultants de la qualité de vie ?
En tout cas il est déjà certain qu’il faudra des experts pour nous guider dans ce labyrinthe moléculaire. La médecine est elle vraiment la gardienne des portes du bonheur mentale ? Nous allons en tout cas vers « le meilleur des cerveaux possibles », car beaucoup rêvent secrètement d’une pilule de l’intelligence. En attendant, prenons un petit café avec un chocolat si vous voulez bien.
Docteur Claude Dalle
Diplômé d’acupuncture, mésothérapie, hypnose Ericksonienne. Conférencier international, chargé de cours à la faculté de Médecine de Paris. Directeur scientifique de congrès. Président de la WOSIAM (World Society for Interdisciplinary Anti-Aging Medicine). Président Fédération Européenne de l’Age Actif. Membre de l’International Hair Research Society.
Livres: Anti-Aging : the guide. Les traitements anti-âge. Peau et anti-âge.