par le Professeur Jean-Paul MENINGAUD
Au cours du vieillissement facial, on observe une perte d’élasticité et une diminution d’épaisseur de la peau, ainsi qu’une augmentation du tonus de repos des muscles.
La perte d’élasticité est liée à la glycation des protéines, le système anti-glycant devenant de moins en moins performant. Elle est aggravée par l’intoxication tabagique, les UV, et la surconsommation de produits à index glycémique élevé et d’AGEs (Advance Glycated End products). La perte d’épaisseur est principalement liée à la carence oestrogénique qui suit la ménopause (25% de perte d’épaisseur en 5 ans). L’augmentation du tonus musculaire est liée à un système mitochondrial de moins en moins efficace (la relaxation musculaire est très consommatrice en énergie). Ceci se traduit cliniquement, à la partie inférieure de la face par des bajoues, un double menton, la chute des commissures labiales et la perte de l’ovale du visage, ainsi qu’au niveau cervical, par l’apparition de cordes platysmales.
On conçoit dès lors que le rajeunissement de la partie inférieure de la face et du cou constitue un enjeu majeur en esthétique. Les techniques faisant appel à des moyens physiques (laser, HIFU, radiofréquence, etc.) donnent sans conteste des résultats mais doivent être utilisées aux stades précoces. Les techniques de fillers donnent d’excellents résultats pour le comblement des rides mais ne peuvent « lifter » les tissus. Les techniques par fils sont efficaces aux stades intermédiaires. Elles ne sont pas durables mais permettent parfois de retarder la chirurgie de quelques années. Enfin, le lifting reste le gold standard par rapport auquel toutes les autres techniques sont comparées. Il permet de prendre en compte toutes les structures anatomiques et associe désormais des techniques de médecine régénératives (lipofilling, nanofat, prp, needling, etc).
Se rapprocher le plus possible de cinq critères visuels.
Le traitement chirurgical vise à se rapprocher le plus possible de cinq critères visuels : un angle cervico-mentonnier compris entre 105 et 120°, une dépression sous-hyoïdienne marquée, un rebord basilaire mandibulaire saillant en forme d’ovale, un relief du cartilage thyroïdien légèrement visible et un bord antérieur des muscles sterno-cléido-mastoïdiens saillant (1). L’association de techniques différentes est une des clefs du succès. Notamment, l’association de la lipectomie sous-mentonnière, la platysmaplastie médiane et latérale avec ou sans transsection, et parfois la section des Depressor Angularis Orbiculis (DAO) me semblent être une bonne stratégie au niveau cervical. La technique du « net » d’André Auersvald (2) m’a permis de faciliter les suites opératoires et de mieux répartir l’étui cutané. Au niveau de la moitié inférieure de la face, je reste fidèle aux techniques de SMAS (3) associées à des plicatures pour profiter des vecteurs les plus pertinents en fonction de chaque cas. J’associe des techniques de lipofilling enrichies, de microlipofilling et de nanofat (4). Pour le traitement de la peau elle-même, j’utilise les techniques de needling et blanching que j’ai perfectionnées notamment avec l’usage d’une seringue électrique miniaturisée. Enfin, j’utilise des techniques de laser Er-Yag Recosma per ou préopératoire pour améliorer la qualité des cicatrices. Le lifting cervical sera toujours effectué dans le même temps opératoire que le lifting facial car il existe une continuité anatomique.
Un traitement à la carte en fonction de chaque cas.
L’objectif de cet article est de décrire une procédure chirurgicale associant différentes techniques pour le rajeunissement de la moitié inférieure de la face et du cou.
Installation : L’intervention est pratiquée sous anesthésie générale ou locale. Une infiltration massive au sérum adrénaliné est pratiquée à la canule dans les plans de décollement pour faciliter la dissection et diminuer le saignement. La voie d’abord est celle du lifting facial classique. Je privilégie les incisions intra-auriculaires plutôt que prétragiennes.
La lipectomie sous-mentale : La procédure de cervico-plastie débute par une lipectomie cervicale à travers une incision cutanée sous mentale. Elle est réalisée jusqu’au niveau des bords basilaires des branches horizontales de la mandibule afin d’en redessiner les contours. Elle est réalisée sous contrôle visuel et devenue beaucoup plus conservatrice avec le temps.
Les platysmaplasties médianes et latérales : Le muscle plastysma est décollé sur sa face superficielle (et si besoin sur sa face profonde), latéralement à partir du bord interne et à travers l’incision sous-men-tale. Si elles sont hypertrophiées et ptosées, les glandes sub-mandibulaires sont repérées par voie sous mentale. Dans ces cas, j’effectue une submandiblectomie partielle suivie d’une injection immédiate de toxine botulique dans le reste de la glande pour éviter toute sialocèle. En cas de cordes platysmales saillantes ou de lifting secondaire, je sectionne horizontalement l’intégralité du platysma, puis j’effectue une raphie médiane du platysma jusqu’au bord supérieur du cartilage thyroïde. La partie postérieure de ce hamac est fixée latéralement. Depuis que je pratique la technique du capitonnage brésilien d’Andre Auersvald, je n’utilise plus de Redons et n’ai plus d’hématomes (2).
Lifting cervico-jugal
En haut, mon incision s’arrête en arrière du tragus, elle fait le tour du lobule de l’oreille, puis remonte dans le pli rétro-auri-culaire jusqu’au niveau de la projection du tragus et redescen-dant à 90° dans le cuir chevelu sur 5-6 cm ou en pré-capillaire. Lors de l’incision cutanée, je prête gare à respecter la face antérieure du cartilage du tragus. Puis je débute le décolle-ment cutané de la face à l’aide de ciseaux spatulés de Trepsa, tout d’abord dans un plan sous-cutané strict, au-dessus du SMAS. Puis j’effectue le reste du décollement inféro-postérieur cervical dans le même plan à l’aide de grands ciseaux spatulés de Trepsa, à partir de la ligne d’incision rétro-auriculaire. J’effectue la décollement pré-auriculaire et le décollement du SMAS. Après séparation en deux lambeaux, le SMAS est tracté selon un double vecteur supérieur et rétro-mastoïdien afin de résorber la bajoue et souligner l’angle mandibulaire. Mes résections cutanées sont étonnamment faibles, rarement plus d’un cm. Mes sutures cutanées sont pratiquées sans aucune tension.
Section du DAO : Il s’agit d’une procédure à réserver pour le traitement des plis d’amertume très marqués. J’éverse la lèvre inférieure et j’incise la muqueuse labiale à environ un centi-mètre du vermillon. Je dissèque ensuite le plan sous muqueux de façon horizontale jusqu’au muscle orbiculaire. Le changement d’orientation des fibres musculaires plus oblique permet d’identifier les DAO et de les sectionner. Elle est confirmée par l’apparition soit de la graisse sous-dermique, qui est incons-tante, soit du derme.
De la dermabrasion au blanching
En cas de ridules notamment péribuccales et selon le souhait de la patiente, je pratique le blanching associé au nanofat. J’utilise, un acide hyaluronique (AH), monophasique polydensifié pouvant être injecté dans le derme réticulaire superficiel sans risquer d’effet Tyndall. Des études cliniques avec mélange de AH et de plasma enrichi en plaquettes sont en cours. J’utilise des aiguilles de 32 à 34 gauges et de 13 mm de longueur. L’aiguille est à peu près parallèle à la peau, biseau vers le bas. Le geste est facilité par un grossissement de 2 à 3 et l’usage d’une seringue électrique miniaturisée qui permet à la fois précision et puissance. Le succès dépend de l’effet de blanching immédiat, qui est a contrario un signe d’alerte en cas d’injection profonde.
Les techniques de médecine régénérative :
Les techniques de needling ont démontré leur effet inducteur tissulaire. Après avoir longtemps utilisé le stylo, je préfère maintenant le rouleau ou le tampon. Elles font appel au lipofilling enrichi et au nanofat. Ces techniques sont utilisées essentiellement pour leur effet trophique. Les techniques de laser peuvent être utilisée en per et préopératoire pour stimuler la cicatrisation. Je privilégie la possibilité de définir moi-même mes paramètres (longueur d’onde, fluence, etc.). Les techniques de LED sont utilisées en routine dans la période postopératoire pour gérer l’inflammation et les ecchymoses. Dans le cadre de cet article nous ne pouvons qu’énumérer les procédures connexes (5). En fonction des cas, des génioplasties transversales ou sagittales ou combinées peuvent être utiles. Des prothèses malaires peuvent être nécessaires dans le cadre d’atrophies sévères ne répondant pas au lipofilling. Le traitement des angles mandibulaires se fait principalement aux dépens des masséters et non de l’os.
Bref, il existe tout un espace de créativité permettant d’associer rajeunissement et attractivité. Enfin, et ce sera la conclusion de la conclusion, il ne faut pas perdre de vue les techniques anti-âges permettant d’agir au niveau cellulaire et intracellulaire (glycation, économie mitochondriale, etc. ) et qui gagnent à être associées.
1. Ellenbogen, R., and Karlin, J. V. Visual criteria for success in restoring youthful neck. Plast. Reconstr. Surg. 1980 ;66: 826. 2. Auersvald A, Auersvald LA. He-mostatic net in rhytidoplasty: an efficient and safe method for preventing hematoma in 405 consecutive patients. Aesthetic Plast Surg. 2014 Feb;38(1):1-9. 3. Mitz V, Peyronie M. The superficial musculo-aponeurotic system (SMAS) in the parotid and cheek area. Plast Reconstr Surg. 1976 Jul;58(1):80-8. 4. Tonnard P, Verpaele A, Peeters G, Hamdi M, Cornelissen M, Declercq H. Nanofat grafting: basic research and clinical applications. Plast Reconstr Surg. 2013 Oct;132(4):1017-26. 5. Ruiz R, Hersant B, La Padula S, Meningaud JP. Facelifts: Improving the long-term outcomes of lower face and neck rejuvenation surgery: The lower face and neck rejuvenation combined method. J Craniomaxillofac Surg. 2018;46:697-704.
Pr Jean-Paul MENINGAUD : Professeur au CHU Henri Mondor de Créteil depuis 2009, Chef du service de chirurgie plastique, reconstructrice, esthétique et maxillo-faciale depuis 2012, Ancien Interne des Hôpitaux de Paris, Ancien Chef de Clinique à la Salpêtrière. Membre de l’Académie Nationale de Chirurgie Dentaire. Expert judiciaire près la Cour d’Appel de Paris, Agréé par la Cour de Cassation. Spécialiste de la face, il a participé à 7 greffes de visage depuis 2007. En 2011, il a reçu une des plus grandes distinctions en chirurgie plastique, le James Barret Brown award aux États-Unis pour ses travaux sur les prélèvements de greffes de visage.