Par le docteur Isabelle SARFATI
500 000 prothèses PIP ont été posées dans le monde
Des vagues de paniques se sont succédées suite aux informations transmises aux médias et suite aux décisions prises par les autorités de santé. Que s’est –il passé ?
Des informations données aux médias mais pas aux chirurgiens
Les prothèses mammaires sont toutes constituées d’une enveloppe en silicone remplie de sérum physiologique ou de gel de Silicone. En Mars 2010, à la suite de plaintes de chirurgiens liées à des ruptures précoces de prothèses de la marque PIP, L’AFSSAPS demande une inspection du laboratoire qui abouti à sa fermeture immédiate. Le gel de remplissage utilisait un silicone différent de celui ayant obtenu le marquage CE. Cette information a d’emblée été donnée aux médias sans que les chirurgiens aient le temps de prévenir eux-mêmes leurs patientes, déclenchant ainsi une première vague de panique. Rappelons que 500 000 prothèses PIP ont été posées dans le monde dont environ 30 000 en France.
Un gel qui n’est pas toxique mais qui provoque plus de réactions inflammatoires que les autres.
Un rapport a ensuite été publié par l’AFSSAPS spécifiant que les tests effectués avec le gel n’avaient pas montré de toxicité. Le silicone utilisé ne semble ni cytotoxique ni génotoxique in vitro et in vivo (chez la souris) mais il provoque plus de réactions inflammatoires que la moyenne. Il a été demandé aux chirurgiens de convoquer les patientes porteuses de prothèses PIP, de pratiquer un bilan clinique et radiologique, de retirer les prothèses rompues et de surveiller tous les 6 mois les prothèses semblant intactes. Les études en laboratoire sur le gels ont continué et un autre rapport a été publié 6 mois après confirmant les premiers résultats (Avril 2011).
Un décès imputé un peu à la hâte au prothèse.
En Octobre 2011, une femme décède d’un lymphome péri-prothétique. L’association prothèse/lymphome péri-prothétique est rare mais connue. 60 cas ont été décrits dans le monde. Il n’a pas été possible d’établir un lien certain entre les prothèses et ce lymphome. Dans ces 60 cas décrits, il y avait des prothèses en silicone et en sérum physiologique et des prothèses de différentes marques (ce lymphome affecterait 3 pour 100 Millions de femmes aux USA d’après la FDA). Les médias et le public ont voulu établir un lien entre ces prothèses et ce décès. Peu de temps après, quelques femmes ayant un cancer du sein et porteuses des prothèses PIP ont pensé que leur cancer pourrait être lié aux prothèses.
Pas de lien entre PIP et une augmentation du risque de cancer
Le 22 décembre 2011, une réunion scientifique multidisciplinaire a été organisée en urgence par l’Institut National du Cancer (INCa). Ses conclusions ont corroboré celles de l’AFSSAPS : on ne peut pas mettre en évidence de lien entre les prothèses PIP et une augmentation du risque de cancer ou de lymphome péri-prothétique. Il n’est donc pas recommandé de retirer systématiquement ces prothèses si elles ne sont pas rompues. Malgré cela, le Ministre de la Santé, Xavier Bertrand a fait une déclaration publique le 23 décembre recommandant le retrait systématique des implants PIP. Cette annonce, en totale contradiction avec les avis unanimes des cancérologues français et étrangers, a déclenché une deuxième vague de panique d’autant plus importante que cette annonce a été faite le 23 décembre, veille de Noel sachant que la majorité des cabinets médicaux étaient fermés et ne pouvaient répondre aux appels des patientes porteuses d’implants mammaires désirant connaitre, en urgence, la marque de leurs prothèses. Seulement deux gouvernements ont proposé la même solution que la France, à savoir l’Allemagne et la République Tchèque. Tous les autres pays ont suivi les propositions de leurs scientifiques recommandant uniquement le retrait des implants rompus.
Une regrettable affaire qui soulève plusieurs questions
Tout d’abord, qui va payer et combien ?
La sécurité sociale prend en charge le retrait des prothèses pour toutes les femmes ayant des implants PIP en place quelque soit le motif (esthétique ou réparatrice). Pour les patientes qui ont des implants mis en place en raison d’une pathologie (reconstruction après cancer du sein, malformation mammaire), la sécurité sociale prend en charge le remplacement de l’implant. Pour celles qui ont des prothèses pour des raisons esthétiques la repose des prothèses est à leur charge. En pratique, elles vont payer entre 500 et 800 euros de clinique, entre 300 et 700 euros de prothèses, entre 300 et 500 euros d’anesthésie et entre 500 et 1000 euros de chirurgie donc au total entre 1400 et 3000 euros). Le Ministre de la Santé a demandé aux chirurgiens de minimiser leurs honoraires mais, d’une part, ce sont des professions libérales et ceci ne peut leur être imposé et d’autre part il est difficile de demander à des médecins de pratiquer gratuitement un acte, comme le retrait systématique des implants même non rompus, qu’ils ont quasi unanimement déconseillé.
Malgré tout, plusieurs plaintes ont été déposées par les patientes et par les plasticiens. Mais le dossier juridique n’est pas simple car il s’agit d’une fraude donc la compagnie d’assurance pourrait ne pas prendre en charge les remboursements.
Comment une fraude aussi énorme que celle-ci est possible et comment faire pour éviter que cela se reproduise ?
Les laboratoires ont l’obligation de fournir tous les ans un certificat de contrôle. Ce certificat est délivré par une société spécialisée privée européenne choisie et payée par le laboratoire (en l’occurrence PIP avait choisit TUV, un organisme allemand) lequel fait une visite annuelle programmée en accord avec l’entreprise ce qui, dans le cadre d’une fraude organisée, permet d’organiser une falsification.
Depuis cette affaire le Ministère de la Sante a demandé un renforcement des normes européennes pour les dispositifs médicaux et une augmentation des activités de vigilance. En pratique, il est demandé à l’AFSSAPS de renforcer les contrôles inopinés (et donc d’augmenter le nombre d’inspecteurs) et de faciliter les déclarations d’événements indésirables.
Les mesures prises par le gouvernement :
Au niveau national, les inspections et les activités de vigilance réalisées par l’Afssaps seront renforcées : augmentation du nombre d’inspecteurs, contrôles plus nombreux et inopinés, tant sur les lieux de production que dans les établissements de santé ;
Au niveau communautaire, la directive 93/42/CEE, relative aux dispositifs médicaux, devra être radicalement refondée en vue de renforcer les exigences essentielles sur les données cliniques à fournir et leur évaluation pour la mise sur le marché des dispositifs médicaux, les modalités d’inspection, les échanges entre autorités compétentes, et d’améliorer le fonctionnement des organismes notifiés.
Par ailleurs, les ministres ont formulé des demandes complémentaires pour début mars 2012 :
– saisine du directeur général de l’Afssaps, en vue d’établir la liste des dispositifs médicaux implantables à risque et le programme d’inspection envisagée par l’Agence pour 2012,
– saisine du directeur général de la Santé et du directeur général de l’Afssaps pour présenter, avec l’appui d’une mission d’assistance de l’Inspection générale des affaires sociales, des propositions de refonte du système des vigilances, permettant une déclaration simple, accessible et rapide pour une efficacité maximale.
Le numéro vert national reste actif pour répondre à toutes les questions des femmes concernées : 0800 636 636
Le rapport complet et la synthèse sont disponibles en page d’accueil du site du Ministère : http://www.sante.gouv.fr/
Anti Age Magazine soutient les femmes touchées par ce scandale. Si vous êtes concernées de près ou de loin par cette affaire et si vous souhaitez de l’aide, interrogez nos experts sur le site Internet du magazine : www.anti-age-magazine.com