Par le docteur Jean-Luc Vigneron
Exerçant une activité de dermatologie esthétique depuis plus de vingt ans sur la Côte d’Azur, j’ai observé l’évolution de la patientèle. Elle a vieilli avec moi. Maintenant nombre de mes patientes ont plus de 80 ans mais sont toujours adeptes de soins ! Ce sont des Seniors Plus qui ont des demandes particulières en esthétique.
Nous vivons environ 30 000 jours. Finalement ce n’est pas tant que ça ! Nous vieillissons en considérant que les années qui passent sont une suite des années précédentes : jeunesse, puis âge mûr, puis Senior actif, puis retraité et les demandes esthétiques restent dans la même continuité. Mais arrive le moment de la prise de conscience du fait que les années qui restent sont comptées. A ce moment-là, on raisonne autrement, on raisonne en compte à rebours ! Vivre en compte à rebours, c’est vivre différemment. C’est généralement « penser à soi d’abord ». Cet égoïsme, qui plus tard encore sera de l’égocentrisme, se double de la non nécessité de l’avis d’un proche pour prendre une décision.
Voici quelques cas vécus qui m’ont fait réfléchir.
Un homme de 82 ans qui venait en Ferrari arrive un jour et dit, les bras en V, grand ouverts « Docteur, je veux mourir en pleine forme !» Par cette phrase, il exprimait tout : »Je veux être bien, correct, présentable jusqu’à mon dernier souffle », « Je veux profiter des plaisirs de la vie jusqu’au bout », « Je ne veux pas de la phase de décrépitude qui précède généralement la mort ».
Une femme de 93 ans m’a demandé un peeling profond que j’ai d’ailleurs fait. Elle m’a dit « Je ne me supporte plus, ça passe ou ça casse ! » Cela signifie : « Je veux me sentir bien et vivre, ou alors mourir ».
Une femme de 74 ans, non voyante, m’a demandé un peeling profond, car elle ne supportait plus de sentir les rides sous ses doigts. Elle avait honte m’a-t-elle dit. De ses trois exemples, on pourrait tirer une sentence : “Pouvoir se respecter, sinon mourir ».
Les notions présentes chez les Seniors + :
– La notion de Jeu : Je fais un choix, je suis consciente des conséquences, mais c’est un pari. Un pari sur le résultat, un pari sur l’avenir qui sera plus ou moins long.
– La perte de patience : Comme le temps est compté, il faut un résultat rapide pour en profiter rapidement.
– Continuer à plaire : Pour beaucoup, se plaire ne suffit pas. Séduire, être reconnue comme désirable, est un puissant dopant.
– Le concept de beauté : On ne cherche plus la beauté, on cherche l’élégance, l’harmonie, la distinction (quand on perçoit ce concept…). On cherche à montrer aux autres que l’on se respecte. Rien n’est pire que la « beauté perdue ». Certaines personnes sont si belles qu’elles impressionnent. Plusieurs femmes m’ont déclaré que, plus jeunes, le silence se faisait quand elles entraient dans un restaurant. Le jour où ça s’arrête, c’est souvent la dépression. Ces personnes restent généralement belles en vieillissant. Soit elles acceptent ce nouveau statut de « belle senior », soit elles courent après la beauté perdue et sont prêtes à tous les excès. Elles sont souvent au premier coup d’œil des victimes des techniques esthétiques !
Et en pratique ?
Mon expérience est celle d’un médecin qui pratique des gestes plutôt lourds, Peeling profond au Phenol (expériences de plus de 1000 Full Face), d’autres moins importants : Fils, Peeling moyen, HiFU et d’autres très légers, Botox etc. Je rappelle que nous parlons de patientes de 80 ans et plus. J’écarte d’emblée les cas chirurgicaux, c’est-à-dire les ptoses importantes et sans rides. La SENIOR PLUS a souvent une demande timide, mesurée. Elle cherche à mesurer le degré de fiabilité du médecin, la fluidité et la spontanéité de ses réponses. Après évaluation clinique de la technique la plus appropriée, je conseille de commencer par proposer le plus invasif « l’idéal serait de vous faire… » et de voir comment c’est reçu. Il est plus facile de descendre en puissance dans les propositions que de monter. La nature de la motivation doit être connue lorsqu’on envisage un acte aux suites notables comme un peeling profond. Il faut comprendre la relation avec l’entourage. L’acte sera-t-il réalisé secrètement, partiellement secrètement ou au su de nombreuses personnes (c’est toujours mieux) ? Il faut faire entrer de l’humour dans la discussion. On verra ainsi si la patiente a une capacité de distanciation, si elle sait être le témoin d’elle-même. Il ne faut pas hésiter à dire à une femme qu’elle est belle quand on le pense, car ainsi elle comprend que l’on va travailler à son amélioration dans le respect de sa personnalité. Pour les peelings profonds, je dis « Attention, une nouvelle vie commence ! »
Quelques conseils adaptés à tous les actes proposés
Il faut proposer d’agir le jour même pour les actes aisément mis en œuvre, injections, petits peelings, needling, laser vasculaire, IPL etc.
La Senior Plus ne se déplace pas si facilement et sera très heureuse de « n’être pas venue pour rien ».
De même, si on doit faire d’autres traitements, il faut essayer de les grouper sur un ou peu de rendez-vous.
On peut rassurer en expliquant que la cicatrisation est beaucoup plus jolie après 50 ans.
Si elle est hésitante, il est important de faire un tout petit quelque chose, même gratuit, dès la 1ère consultation, afin qu’un contact physique existe entre la patiente et le médecin et que la confiance germe.
C’est une sorte de maïeutique qui permet de comprendre la démarche d’une personne Senior Plus, demandeuse d’esthétique. La notion de temps de vie restant, de compte à rebours, doit être toujours présente à l’esprit du médecin. Vis-à-vis de ces patientes, souvent ouvertes à des traitements radicaux, il faudra savoir, en choisissant au mieux dans la large panoplie des techniques que nous possédons, optimiser les propositions et proposer le mieux, dans le moins de séances possible, en commençant si possible immédiatement. La Senior Plus est généralement très tolérante vis-à-vis du résultat. Il est vrai qu’ajouter des jours de bonheur à une personne en compte à rebours est un merveilleux cadeau.
Docteur Jean-Luc Vigneron
Dermatologue, Lauréat de la Faculté de médecine de Strasbourg. Directeur Centre Villabianca Esthetique, St Paul de Vence, French Riviera. En Suisse, à Genève, à l’Institut Médical de Champel et à Lugano, en pratique privée. Passion : créer et pratiquer les PEELINGS, (méthode Exopeel™). Président de la Société Française de Dermatologie Chirurgicale et Esthétique. Président du Groupe de Réflexion en Chirurgie Dermatologique (GRCD). Président de l’European Institute for Skin Rejuvenation (EISR)
