Le DIU de médecine esthétique qui entre en vigueur à partir de janvier 2025 et la VAE vont permettre de donner le droit au titre de médecin esthétique et d’élargir la compétence des praticiens à la toxine botulique. Le Dr Jean-François Delahaye qui a aidé à la conception du diplôme avec le Dr François Arnault Président du Conseil National de l’Ordre des Médecins, nous en explique les contours.
Anti-Age Magazine : Est-ce que ce DIU de médecine esthétique était nécessaire pour redonner de la crédibilité à un secteur souvent décrié ?
Dr Jean-François Delahaye : L’ordre a fait de nombreux constats, le 1er étant qu’il y a un besoin en médecine esthétique, 1 personne sur 10 a déjà consulté pour une demande de médecine esthétique; le second étant que l’ordre est destinataire d’un certain nombre de signalements, de plaintes qui émanent soit de médecins soit de patients qui se plaignent d’actes réalisés par des non médecins ou par des médecins non qualifiés; le troisième est que cet engouement participe au déséquilibre d’une démographie médicale critique. Il y a donc besoin de régulation et d’encadrement de la médecine esthétique. Je rappelle que l’Ordre est garant de la qualité et de la sécurité des soins.
Pour ce faire, l’Ordre a consulté tous les acteurs et a mandaté à la suite les collèges nationaux professionnels de dermatologie et de chirurgie plastique responsables de la formation en médecine esthétique, des dermatologues et des chirurgiens plasticiens, pour envisager la création d’une formation diplômante interuniversitaire. La maquette de ce DIU ayant satisfait aux exigences de l’Ordre, celui-ci a été réconnu par l’institution ordinale.
Il faut souligner que ce DIU s’adresse à tous les médecins, généralistes ou spécialistes, qui ont une pratique clinique de plus de 3 ans et qui sont inscrits régulièrement en France au tableau du Conseil de l’Ordre des Médecins. Il se fera sur 2 ans (cours théoriques et pratiques) et se passera dans un premier temps dans 3 universités, Marseille, Bordeaux et Créteil et dans un second temps dans 7 universités. Il y a bien évidemment une volonté de recherche de qualité en labélisant, en certifiant les pratiques, la France ayant toujours été l’un des leaders dans les domaines de la médecine, de la chirurgie et souhaitant le rester. Donc oui, c’est une vraie reconnaissance de cette activité qui va gagner en crédibilité même si la médecine esthétique ne sera pas considérée comme une spécialité. mais comme un exercice complémentaire.
AAM : Quelles sont les procédures enseignées et celles qui ne le seront pas ?
Dr J.-F. D. : Bien entendu les injections de fillers, avec une grande nouveauté pour les praticiens qui auront le diplôme ou la VAE, les injections de toxine botulique auxquelles ils n’avaient pas accès, dès lors que l’AMM le permettra. Cela va permettre de régulariser beaucoup de pratiques existantes et qui sont pour le moment illégales. Les peelings, les fils tenseurs en dehors de ceux qui sont non résorbables, les lasers… seront permis, sauf les procédures qui sont invasives qui par définition sont chirurgicales ainsi que les techniques demandant un plateau technique lourd. Un débat subsiste sur les greffes de cheveux. A noter qu’il y aura également des cours sur la déontologie médicale, sur l’interdiction de l’exercice de la médecine comme un commerce, sur le devoir d’information du médecin et sur la compétence également : on ne doit faire que ce que l’on sait faire, ce qui passe également par l’entretien de ses connaissances.
AAM : Quid des jeunes médecins et des médecins étrangers ?
Dr J.-F. D. : La condition d’exercice d’au moins 3 ans pour prétendre au DIU écarte d’emblée les jeunes médecins qui sortent de l’université et ne souhaitaient exercer qu’en médecine esthétique. Il fallait également répondre à la demande des patients qui aspirent à plus de sécurité et donc veulent être pris en charge par des praticiens avec plus d’expérience. Ce laps de temps est également justifié pour confirmer une appétence pour cet exercice et satisfaire au prérequis de connaissance pour postuler à ce DIU. Pour les médecins étrangers, le prérequis est d’être inscrit en France à l’Ordre National des Médecins depuis un minimum de 3 ans.
AAM : A quand le démarrage de la VAE ? De manière concomitante au DIU ou après les 2 ans ?
Dr J.-F. D. : Tout d’abord la VAE (validation des acquis de l’expérience) est un droit pour tous. Elle a comme objectif de reconnaître une compétence acquise par une pratique. Ce n’est donc pas systématiquement une reconnaissance d’un exercice mais bien une validation d’une expérience. Pour pouvoir accéder à la VAE, il faudra constituer un dossier en amenant des éléments de preuve de la pratique, ce qui peut passer par des factures de consommables, des attestions de présence lors de congrès, la publication d’articles dans des revues reconnues, etc… Il faudra également avoir suffisamment pratiqué pendant 5 ans la médecine esthétique et que le praticien maitrise plusieurs procédures pour montrer qu’il balaie bien les grands champs de la médecine esthétique (peeling, laser, injections…). Des commissions mixtes ordinales et universitaires seront instaurées pour évaluer les dossiers. Nous aimerions traiter l’ensemble des demandes sur les 5 prochaines années. Notons que les détenteurs du DIU MMA avant 2013 (celui ci ayant été préalablement validé par l’Ordre) auront le droit au titre de facto. L’Ordre souhaite que cette VAE soit mise en place le plus vite possible. Bien évidemment la VAE donnera le droit au titre. Elle est l’équivalent du DIU.
AAM : Est-ce une volonté également de réguler pour faire face aux déserts médicaux ?
Dr JDD : C’est effectivement une préoccupation de l’Ordre car il y a un certain nombre de médecins sortant de l’Université qui font tout de suite de la médecine esthétique. Nous avons besoin d’arriver à un certain équilibre et à ce titre les acteurs ont fixé comme prérequis pour le DIU trois années de pratique préalables pour plusieurs raisons : une pratique de la patientèle, savoir poser un diagnostic, anticiper une complication… Il faut donc donner du temps aux jeunes médecins d’être formés au contact des patients.
AAM : Pouvez vous nous préciser la notion du droit au titre ?
Dr J.-F. D. : Il est dans les prérogatives de l’Ordre de reconnaitre une autorisation d’exercice. Nous avons tous une qualification qui peut être de médecine générale ou autre résultant d’une formation à la faculté, mais il existe d’autres diplômes qui ne sont pas nationaux et l’Ordre peut les reconnaître sous certaines conditions avec un agrément pour 5 ans, date à laquelle une nouvelle évaluation a lieu. Le titre obtenu représente l’autorisation pour un médecin de mettre sur sa plaque et ordonnances une formation reconnue par l’institution au titre des articles R 4127-79 et suivants du code de la santé publique. Quand les patients iront consulter, ils sauront que leur médecin a une formation qui leur garantit une qualité de prise en charge. Inversement le praticien titulaire de cette autorisation sera conforté dans sa pratique.
Photo : copyright Sandrine Gluck